Histoire de l’objet publicitaire

Des origines de la publicité à la communication par l’objet

L’objet publicitaire naît d’abord comme support de promotion. Au temps de la Révolution, le lien entre publicité et espace public est déjà affirmé. Une médaille gravée pour les crieurs de journaux porte ainsi la devise « La publicité est la sauvegarde de la république », rappelant le rôle central de l’information dans la vie politique. Dans ce contexte, l’objet porteur de message commence à se distinguer comme vecteur d’idées et non plus comme simple accessoire.

En Grande Bretagne, au XVIIIe siècle, apparaît l’un des premiers exemples de communication par l’objet. Un manufacturier de cigares, Josiah Brown, décide de personnaliser les bagues entourant ses cigares avec la mention en relief « Monsieur X vous souhaite une excellente nouvelle année ». Le cigare quitte alors le seul registre de la consommation pour devenir support de vœux, donc de communication personnalisée. En France, la diffusion d’images commerciales progresse en parallèle. Une première affiche représentant un parapluie est placardée sur un mur en 1772, tandis que sous l’Empire se développent prospectus, chansons, rébus, bandes dessinées, images et échantillons. Assiettes réclames, bracelets et petites primes illustrent déjà l’imagination des commerçants.

Révolution industrielle et premières séries promotionnelles

Avec la révolution industrielle et l’essor des grands magasins, la communication par l’objet change d’échelle. Aristide Boucicaut, fondateur du Bon Marché, popularise vers 1880 les chromos et découpis distribués aux enfants. Illustrant une marque ou un magasin, ces images attirent, divertissent et incitent à collectionner. Leur succès se prolonge jusqu’à la Première Guerre mondiale et installe durablement l’idée de série promotionnelle.

À la même époque, la circulation de la statue de la Liberté, offerte par la France aux États Unis, inspire un autre usage de l’objet. Un industriel, Gaget, produit des modèles réduits de la statue pour les vendre comme souvenirs. Par déformation du nom, « gadget » finit par désigner ces petits objets dérivés, en lien avec un événement ou une marque. L’objet souvenir, reproductible et associé à une image forte, s’impose comme support de communication à part entière.

Années folles, réemploi et détournement

Au début du XXe siècle, les marques expérimentent des supports toujours plus variés. Le chocolat Ibled, par exemple, utilise un disque 78 tours intitulé « Papa à l’abri », aux couleurs de la marque, et va jusqu’à commercialiser un phonographe publicitaire dont la tête de lecture porte la mention « Chocolat Ibled, marque centenaire ». Le média sonore devient ainsi une extension de l’univers de marque.

Après la Première Guerre mondiale, un revendeur remarque que les corps de cartouches vides de fusils s’adaptent à la forme de crayons. Il pousse un industriel à se reconvertir dans la fabrication de crayons en forme de cartouche, rapidement personnalisés au nom de différents clients. Les instruments d’écriture entrent alors durablement dans la gamme des objets publicitaires. Dans les cafés, le pyrogène, récipient contenant des allumettes et muni d’un grattoir, devient lui aussi un support idéal, présent sur toutes les tables et visible de tous.

La Seconde Guerre mondiale et les pénuries orientent ensuite la créativité vers les contenants réutilisables. Boîtes métalliques décorées, comme celles de Banania, sont conservées longtemps dans les cuisines pour y stocker café, riz ou cacao. L’emballage devient un objet que l’on garde, qui reste sous les yeux et prolonge le contact avec la marque bien après l’achat initial.

Années 50 et 60, l’âge d’or des primes et des collections

Les décennies d’après guerre voient triompher la prime intégrée au produit. De nombreuses marques alimentaires ou de grande consommation glissent dans leurs emballages des séries d’images ou de timbres à collectionner, accompagnés d’albums. Des chocolats illustrent les chansons du moment, d’autres proposent des timbres de pays étrangers à coller, créant un lien durable entre plaisir de jeu, apprentissage et fidélité à la marque. Le lavage, le goûter ou le petit déjeuner deviennent des occasions de découvrir une nouvelle image.

En 1957, une lessive introduit systématiquement un cadeau dans ses paquets, inaugurant une formule qui marque durablement les esprits: la fameuse prime offerte avec un produit du quotidien. Dans les années 60, l’essor de la matière plastique déclenche une véritable profusion de petits objets. Le porte clés s’impose comme support universel, léger, peu coûteux et facilement personnalisable. La passion pour ces petits accessoires donne naissance à une pratique de collection, la copocléphilie. La production s’industrialise, parfois délocalisée vers l’Asie, et l’objet publicitaire entre pleinement dans la culture populaire.

Années 80 et 90, diversification et phénomènes de mode

À partir des années 80, la gamme des objets promotionnels se diversifie encore. Autocollants, magnets, pare soleil, tee shirts et textiles personnalisés envahissent les voitures, les réfrigérateurs et les garde robes. L’objet publicitaire gagne en visibilité dans l’espace public, sur les pare brise, les vitrines ou les corps des passants. Dans les années 90, un phénomène de mode cristallise cette tendance: la vague des pin’s. Initialement associés à des événements sportifs, comme un tournoi de tennis, ces petites épingles émaillées deviennent un support privilégié de communication de marque, de clubs, de causes ou d’institutions. Leur format, facile à collectionner, renforce la dimension ludique et identitaire.

De l’objet jetable à l’objet de collection

Avec le temps, de nombreux objets publicitaires quittent le registre du simple support promotionnel pour rejoindre celui de la collection. Les plateformes de vente entre particuliers et les circuits de brocante révèlent la valeur nouvelle de certains porte clés des années 60, de plaques émaillées anciennes ou de pin’s rares. Des modèles autrefois distribués gratuitement se négocient à des montants élevés, certains porte clés atteignant plusieurs dizaines ou centaines d’euros selon leur rareté.

Les marques ont intégré ce potentiel de collection et conçoivent des séries complètes, figurines, boîtes illustrées ou éditions limitées, distribué­es avec des produits courants. Chaque nouvelle campagne propose un personnage, un héros de fiction ou une licence célèbre, invitant les consommateurs à compléter un ensemble. L’objet publicitaire reste théoriquement gratuit, son coût étant intégré au produit, mais il acquiert parfois une valeur autonome, liée à la nostalgie, au design, à la rareté ou au capital affectif qu’il représente.

Perspectives et continuité de la communication par l’objet

L’histoire de l’objet publicitaire montre une continuité entre les premières bagues de cigares personnalisées, les chromos de grands magasins, les boîtes métalliques illustrées, les gadgets en plastique, les pin’s, puis les goodies contemporains. Les supports changent, les matériaux évoluent, les usages se transforment, mais la logique reste identique: associer une marque, un message ou un univers à un objet que l’on garde, manipule, porte ou expose.

À l’ère des écrans et des campagnes numériques, l’objet publicitaire conserve ainsi une singularité: il inscrit la communication dans le quotidien matériel, au plus près des gestes, des lieux de vie et des moments ordinaires. Qu’il soit simple porte clés, coffret illustré ou figurine de collection, il continue de relier l’expérience de la marque à un support tangible et mémorisable.